Les femmes, la fiction et Virginia Woolf
À l’occasion du centième anniversaire de la publication de Mrs. Dalloway, la Pléiade proposera, en février prochain, un « Tirage spécial » dans lequel ce roman et les nouvelles qui lui sont liées voisineront avec Orlando et avec un essai célèbre mais inédit dans la collection, A Room of One’s Own, qui sera publié dans la traduction tout aussi inédite de Laurent Bury, Une pièce à soi. On en propose ici les premières pages.
Parution le 17 Octobre 2024
1408 pages, Prix de lancement 69.00 € jusqu'au 31 12 2024
En 2014 paraissait le premier « Tirage spécial » de la Pléiade, un volume de 1152 pages proposant trois romans de Sade tirés, respectivement, des tomes I (Les Cent Vingt Journées de Sodome), II (Justine ou les Malheurs de la vertu) et III (La Philosophie dans le boudoir) de l’édition des Œuvres parue dans la collection entre 1990 et 1998. Les textes y étaient accompagnés de leurs illustrations et de leur appareil critique, et précédés d’une préface inédite de Michel Delon, qui avait été le maître d’œuvre de l’édition en trois volumes. De quel désir cette entreprise est-elle née, et de quelle façon a-t-elle évolué ? C’est ce que l’on voudrait examiner ici, au moment où la Pléiade publie deux nouveaux Tirages spéciaux et met en lumière les douze volumes désormais disponibles de cette série particulière.
Le traducteur de Mil neuf cent quatre-vingt-quatre doit rendre en français (ou dans quelque chose d’approchant) la langue nouvelle qui a cours en «Océanie», le newspeak. Il doit également faire un sort à des expressions devenues célèbres et tenir compte des enseignements d’une section du roman souvent négligée, l’Appendice. Philippe Jaworski expose les enjeux de la traduction et explique ses choix dans un petit «Lexique analytique du traducteur» placé à la suite de sa Notice. Nous en reproduisons ici le préambule et, à titre d’exemple, quelques rubriques.
Une édition longtemps pratiquée est comme une maison familière, on y trouve ce que l’on cherche. Dès lors, pourquoi abattre des cloisons et changer l’éclairage ? Peut-être pour cesser de regarder les tableaux sans les voir. C’est évident pour la littérature étrangère : à nouvelle traduction, nouveau regard. Et pas moins vrai en littérature française, pour peu que l’œuvre soit modulable, que sa nature et sa composition rendent nécessaire une organisation qui ne va pas de soi, ou qui ne va de soi que par la force de l’habitude.
C’est le cas de l’œuvre de Baudelaire. Complexité, multiplicité des genres, présence de textes inclassables, d’écrits posthumes, de projets inaboutis… tout exige de l’éditeur qu’il se mue en architecte. Les choix opérés peuvent être lourds de conséquences, engager une vision de l’œuvre, favoriser des lectures, en décourager d’autres, parfois. Au moment où la Pléiade propose une édition qui renouvelle radicalement
le sommaire des Œuvres complètes, et le traitement réservé aux Fleurs du Mal, le lecteur est invité dans les coulisses où s’activent les baudelairiens qui ont conçu ces volumes. Nous publions ici la majeure partie de la « Note sur la présente édition » qui figure au tome I. Consacré à l’exposé des principes qui ont guidé l’organisation des deux volumes, ce « mode d’emploi » ne concerne pas les seuls spécialistes : chacun éprouvera les effets des dispositions qu’il décrit.
Sous le titre « Cauchemars en réserve », emprunté à une lettre de Céline à son ami Joseph Garcin (septembre 1930), La Lettre de la Pléiade n° 70 proposait, alors que le travail sur les manuscrits retrouvés de Céline battait son plein, un panorama provisoire de ces découvertes. Une année s’est écoulée, au cours de laquelle les travaux d’établissement, de présentation et d’annotation des textes retrouvés ont été conduits à leur terme, comme l’a été la révision, à la lumière de ces textes, de la présentation des romans déjà connus. Les nouveaux « Céline » de la Pléiade sont sortis des presses. Le titre sous lequel on rassemble les remarques qu’ils nous inspirent est cette fois tiré d’une lettre de Céline à son traducteur John Marks, lettre écrite en septembre 1934, pour ainsi dire dans le feu de l’action.
Les œuvres posthumes, déjà évoquées ici1, sont souvent inachevées. Milan Kundera pense même qu’elles le sont toujours, par définition. Il dit en effet, dans Les Testaments trahis, qu’aucun inédit ne peut être tenu pour achevé, puisque c’est seulement quand il a la perspective de publier un texte que l’auteur y met « la dernière touche ». La publication serait donc à la fois la cause et la condition de l’achèvement de l’œuvre. Troublante idée, si l’on songe à Segalen, dont l’œuvre est majoritairement posthume et qui est un virtuose de l’inachèvement.