Parution le 26 Septembre 2024
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Quelques étoiles filantes glissèrent tout à coup, décrivant sur le ciel comme la parabole d’une monstrueuse fusée.
« Tiens ! dit Bouvard, voilà des mondes qui disparaissent. »
Pécuchet reprit :
« Si le nôtre, à son tour, faisait la cabriole, les citoyens des étoiles ne seraient pas plus émus que nous ne le sommes maintenant ! De pareilles idées vous renfoncent l’orgueil.
— Quel est le but de tout cela ?
— Peut-être qu’il n’y a pas de but ?
— Cependant ! » et Pécuchet répéta deux ou trois fois « cependant » sans trouver rien de plus à dire. « N’importe ! je voudrais bien savoir comment l’univers s’est fait !
— Cela doit être dans Buffon ! » répondit Bouvard, dont les yeux se fermaient. « Je n’en peux plus ! je vais me coucher ! »
Les Époques de la nature leur apprirent qu’une comète, en heurtant le soleil, en avait détaché une portion, qui devint la Terre. D’abord les pôles s’étaient refroidis. Toutes les eaux avaient enveloppé le globe. Elles s’étaient retirées dans les cavernes : puis les continents se divisèrent, les animaux et l’homme parurent.
La majesté de la création leur causa un ébahissement, infini comme elle. Leur tête s’élargissait. Ils étaient fiers de réfléchir sur de si grands objets.
[…]
Puis leur curiosité se tourna vers les bêtes.
Ils rouvrirent leur Buffon et s’extasièrent devant les goûts bizarres de certains animaux.
Mais tous les livres ne valant pas une observation personnelle, ils entraient dans les cours, et demandaient aux laboureurs s’ils avaient vu des taureaux se joindre à des juments, les cochons rechercher les vaches, et les mâles des perdrix commettre entre eux des turpitudes.
« Jamais de la vie ! » On trouvait même ces questions un peu drôles pour des messieurs de leur âge.
Ils voulurent tenter des alliances anormales.
La moins difficile est celle du bouc et de la brebis. Leur fermier ne possédait pas de bouc. Une voisine prêta le sien ; et l’époque du rut étant venue, ils enfermèrent les deux bêtes dans le pressoir, en se cachant derrière les futailles, pour que l’événement pût s’accomplir en paix.
Chacune, d’abord, mangea son petit tas de foin. Puis, elles ruminèrent, la brebis se coucha ; — et elle bêlait sans discontinuer, pendant que le bouc, d’aplomb sur ses jambes torses, avec sa grande barbe et ses oreilles pendantes, fixait sur eux ses prunelles, qui luisaient dans l’ombre.
Enfin, le soir du troisième jour, ils jugèrent convenable de faciliter la nature. Mais le bouc se retournant contre Pécuchet, lui flanqua un coup de cornes au bas du ventre. La brebis, saisie de peur, se mit à tourner dans le pressoir comme dans un manège. Bouvard courut après, se jeta dessus pour la retenir, et tomba par terre avec des poignées de laine dans les deux mains.